Aurélia
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Une dame que j'avais aimée longtemps et que j'appellerai du nom d'Aurélia, était perdue pour moi. Peu importe les circonstances de cet événement qui devait avoir une si grande influence sur ma vie. Chacun peut chercher dans ses souvenirs l'émotion la plus navrante, le coup le plus terrible frappé sur l'âme par le destin; il faut alors se résoudre à mourir ou à vivre: - je dirai plus tard pourquoi je n'ai pas choisi la mort. Condamné par celle que j'aimais, coupable d'une faute dont je n'espérais plus le pardon, il ne me restait qu'à me jeter dans les enivrements vulgaires; j'affectai la joie et l'insouciance, je courus le monde, follement épris de la variété et du caprice; j'aimais surtout les costumes et les moeurs bizarres des populations lointaines, il me semblait que je déplaçais ainsi les conditions du bien et du mal; les termes, pour ainsi dire, de ce qui est sentiment pour nous autres Français. - Quelle folie, me disais-je, d'aimer ainsi d'un amour platonique une femme qui ne vous aime plus. Ceci est la faute de mes lectures; j'ai pris au sérieux les inventions des poètes, et je me suis fait une Laure ou une Béatrix d'une personne ordinaire de notre siècle…