La maîtresse
Auteur:
Jules Renard naît en Mayenne : son père y travaillait à ce moment-là à la construction du chemin de fer. Il a vécu tout ce qu’il a écrit. Dans ses œuvres ou son Journal, il écrit tout ce qu’il vit, pour ne pas le dire ni le laisser paraître. Il écrit aussi pour briller et ne plus douter de lui-même, car ses parents ne l’ont guère aimé. Et bientôt, à ses inquiétudes s’en joint une autre : la peur de trahir la vérité par l’emploi des mauvais mots ou de trop de mots. Pendant une grande partie de sa vie, une question l’obsède : faut-il préférer l’exactitude d’une phrase ou la beauté poétique d’une image ? Extrait : Voici. Je veux bien vous aimer, quelque temps, longtemps, oui, toujours. Je consens à devenir votre maîtresse, une excellente maîtresse, mais je ne serai pas heureuse si je ne suis pas tranquille. Promettez-moi de m'aimer paisiblement, ou rompons tout de suite. Je me connais : à la première dispute, vous me sembleriez étranger. Il y va de ma santé. Mon médecin m'ordonne le repos. Au moindre trouble, je ne mange plus, et j'ai des migraines tellement violentes, que j'évite jusqu'à la chaleur du lit. Bref, plutôt que d'aimer et d'être aimée en état de guerre, je préfère ne pas être aimée et ne pas aimer.