Les récits d’Adrien Zograffi IV
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Figure assez connue de la littérature de l’entre-deux-guerres, Panait Istrati tombe dans un oubli quasi complet pendant plusieurs décennies ; son œuvre est interdite en France durant la guerre et en Roumanie durant le régime communiste. Rattrapé par la misère, malade et seul, il tente de se suicider à Nice en janvier 1921. Il est sauvé et on trouve sur lui une lettre non envoyée qu'il avait écrite à Romain Rolland. Celui-ci en est averti et lui répond promptement en l'encourageant dans sa démarche d'écrivain. Durant des séjours en Union Soviètique, il devine, derrière l’accueil réservé aux hôtes étrangers, la réalité de la dictature stalinienne, qui lui inspire l’écriture de Vers l’autre flamme, confession pour vaincus, ouvrage coécrit avec Boris Souvarine et Victor Serge dans lequel, il dénonce sans concession l’arbitraire du régime soviétique. Selon Louis Janover, « Istrati décrit l’exploitation impitoyable des travailleurs par une bureaucratie prête à tout pour défendre ses privilèges ». L’ouvrage, contient la fameuse réplique d’Istrati à l’un des leitmotifs de l’argumentaire communiste (« on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs »), à savoir : « Je vois bien les œufs cassés, mais où donc est l’omelette ? » Extrait : Beaucoup de nos seigneurs, alors, au prix de nos pauvres peaux, entrèrent dans les bonnes grâces de la Sublime Porte en affermant aux Grecs influents un ou plusieurs domaines, et en les acceptant parfois pour gendres. Ces affermages nous firent maudire le jour où nos mères nous avaient mis au monde. Nous sommes descendus au rang des tziganes esclaves. Plus bas même, car les esclaves étaient au moins nourris, et nous crevions de faim. Et Turcs et Grecs, à qui mieux mieux, se jetèrent sur nos filles et nos femmes. Ah ! Dieu sans pitié ! Malheur à la pauvrette, mariée ou non, qui se trouvait être belle et plaire à l'envahisseur ! Malheur aussi au pauvre garçonnet qui apparaissait devant les pas des Turcs. Le déshonneur, le supplice et la mort les attendaient, souvent sous les yeux de leurs parents, parfois eux-mêmes massacrés.